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[…] ce n’est peut-être pas un seul incident qui nous vaut notre disgrâce. Il s’agit peut-être d’un cumul. Le dictateur ne dispose-t-il pas d’un bureau qui fait l’inventaire des positions antiduvaliéristes prises par une personne, une famille? N’y aurait-on pas consigné, dans ce qui pourrait constituer une sorte de livre noir, la liste de tous nos manquements au régime?

Le narrateur et ses parents sont sur le point d’être arrêtés par les sbires de François Duvalier; on est en avril 1971. Mais tout comme Joseph K…, dans Le procès de Kafka, ils ne savent pas de quoi on les accuse.

Hanté par le besoin de le savoir, le narrateur fouille dans ses souvenirs en quête de la ou des fautes qui ont pu mener à leur disgrâce. Il remonte à 1962, alors qu’il s’est mis à observer, à travers un petit trou pratiqué dans le plancher de sa chambre, des gens qui se réfugiaient, le soir, dans la salle d’attente de son père médecin; certains étaient des tontons macoutes. Il scrute sa vie d’étudiant, ponctuée par les épisodes sanglants du règne de Duvalier père, un règne «de terreur où la vie des citoyens ne valait rien». Il ne néglige aucune piste car, dans un pays où il est imprudent de regarder un macoute dans les yeux, où la loi est dictée par un fou qui se croit capable d’étrangler le soleil, tout peut transformer quelqu’un en coupable. Tout peut le conduire à la torture et à la mort.

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